Adhénora, une Bretonne du XVIIe siècle
au bout d'une plume...

Joëlle Richard-Gallinelli écrit un roman d'amour et d'aventures qui se déroule dans la Bretagne du XVIIe siècle. Elle a choisi une héroïne forte et franche pour traverser une période houleuse. Quelques questions pour cerner sa démarche...

Quelle histoire avez-vous voulu écrire à travers Adhénora, ma Gueuse ?

Au début, j'avais envie de faire partager aux autres ma passion de l'Histoire de France. La majorité des gens garde un souvenir douloureux de leur scolarité. Pour beaucoup, ce n'est qu'une suite ininterrompue de dates à apprendre par cœur et c'est dommage. Pour ma part, connaître et savourer l'Histoire, c'est découvrir à travers les grands événements la vie quotidienne des gens. C'est en trouvant dans ma généalogie le prénom d'Adhénora que je me suis décidée à écrire, c'était comme un appel. Je ne connaissais pas ce prénom, il m'a semblé royal. Je me suis demandée quelle vie on pouvait mener avec un tel prénom .

Questionnaire

Pensez-vous qu'Adhénora aurait pu réellement vivre ce que vous décrivez dans le roman à l'époque où elle a existé ?

Oui, à toutes les époques il y a eu des personnalités hors du commun. Il n'y a qu'à se rappeler le courage de Sainte-Geneviève qui fit front à Attila au VIe siècle ; d'Hildegarde de Bingen, abbesse bénédictine qui fut une grande réformatrice au XIe siècle ; de Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre qui, fort libre d'esprit, n'hésita pas à protéger les réformés tout en laissant bon nombre d'ouvrages et de recueils et j'en passe. Adhénora, bien qu'elle ne soit pas aussi titrée est de cette même trempe. Blessée par la révélation d'un secret de famille, elle va laisser libre cours à son esprit rebelle.

Questionnaire

Comment en êtes-vous venue à écrire ce premier roman ?

Depuis mon adolescence j'ai toujours eu envie d'écrire mais la vie en a décidé autrement. Parfois c'était comme un mal qui me taraudait, comme un trop-plein intérieur que je ne pouvais pas exprimer... J'ai attendu longtemps avant de réunir les conditions qui m'ont permis de m'atteler à cette noble tâche et le plus difficile a été de lancer les premières phrases et de terminer le premier chapitre.

Questionnaire

Pourquoi avez-vous choisi d'utiliser un vocabulaire riche, quitte à ajouter de nombreuses notes pour en faciliter la compréhension ?

J'ai cherché à mettre le lecteur dans la peau des personnages de l'époque et à le faire baigner dans l'atmosphère du XVIIe siècle. J'ai donc choisi d'utiliser le vocabulaire adéquat tant dans les dialogues que dans le récit à proprement parler. Le français a été longtemps la langue officielle internationale. La France a été le phare du Monde. La langue française est immensément riche et il m'apparaît désolant qu'actuellement on utilise à tout va par exemple : " c'est top " quand on pourrait faire appel à une vingtaine d'adjectifs qui constituent autant de subtilités. Relisons les lettres de Madame de Sévigné à sa fille la comtesse de Grignan Extraordinaires, fabuleuses, merveilleuses, admirables... Non ?

Questionnaire

Comment vous organisez-vous pour écrire ?

J'ai commencé par faire de nombreuses recherches en lisant des ouvrages d'ordre général sur les XVIe et XVIIe siècles, pour m'imprégner de l'époque, planter un décor historique, m'y installer en quelque sorte. Il fallait retrouver les conditions de vie du paysan, son quotidien dans un contexte brutal, régulièrement déchiré par les guerres et les famines, ses expressions, sa nourriture, son habillement, ses mœurs, la religion, les croyances, les problèmes de société, etc... Il est vrai qu'en faisant des recherches généalogiques, on s'apercoit que les archives sont à elles seules une source inépuisable d'informations. Ensuite, j'ai intégré mon héroïne et les autres personnages féminins. Je trouve que les femmes ont été exceptionnelles tout au long des siècles. Exposées à toutes sortes de préjugés et de difficultés, elles ont fait face avec un courage remarquable. La liberté des jeunes femmes d'aujourd'hui semble naturelle et pourtant il a fallu une solidarité féminine sans précédent pour en arriver là.

Questionnaire

Comment sont nés vos personnages ?

Difficile à dire... J'avais certains renseignements sur la famille d'Adhénora, quelques dates de naissances, de décès, de mariages et quelques prénoms. Ces personnages-là étaient la clé de voûte du roman... Les autres sont nés au fil de l'écriture, se sont même imposés parfois avec une force incroyable. L'écriture a cela de magique, vous donnez la vie, vous la reprenez, ce sont des moments exceptionnels pour l'écrivain... à condition toutefois de pouvoir travailler dans un silence absolu, ce qui est pour moi une règle d'or, de s'oublier soi-même, de n'être plus qu'une plume livrée au bon vouloir de l'imagination.

Questionnaire

Quels sont vos personnages préférés ?

Adhénora, bien sûr ! C'est une femme résolument moderne. Bien que nourrie de préceptes religieux qui lui donnent une certaine ligne de conduite, elle ne s'en écarte pas moins quand il faut faire face à l'adversité. C'est une femme blessée et comme tous les écorchés de la vie , elle n'a pas d'autre choix que d'avoir une énergie débordante pour masquer sa faiblesse. C'est une vraie femme avec sa dualité. Certains lecteurs la trouveront ambitieuse, dénuée de principes, parfois plus amante que mère, mais elle n'avait pas vraiment le choix, l'époque n'était pas aux sentiments.

Parmi les personnages d'hommes, c'est Laurens qui a ma préférence. Il a cette beauté mystérieuse de l'amant. Intelligent, terriblement sensuel, il sait godiller dans la vie comme à travers les récifs. Les sentiments qu'il porte à Adhénora sont magnifiques parce qu'inconditionnels. Amoureux fou, il joue sans cesse avec la vie, avec lui-même. Je le trouve terriblement séduisant beaucoup plus que Goulven de Kerandrez . C'est tellement facile d'être bien quand les bonnes fées se sont penchées sur votre berceau !

Ah ! J'oubliais Ronan, le petit palefrenier qui cultive une grande complicité avec l'héroïne... Et Jeanne, toujours prête à réconforter... Aourégan qui apparaît aux plus forts moments. Quant à Katell, Amice, Anna, le gros Pierre ?, ils partagent les aventures d'Adhénora, ses peurs, ses joies... A vrai dire, je crois que j'ai beaucoup d'affection pour tous.

Questionnaire

Propos recueillis par Stéphanie Bujon